Le portail du bois lamellé poursuit sa série d’entretiens sur le thème du bois et de la RE2020 en donnant la parole aux bureaux d’études techniques. Quelles sont les incidences de la RE2020 dans la conception des structures bois ? Comment les bureaux d’études mettent-ils en pratique la nouvelle règlementation pour améliorer l’efficacité environnementale des projets ? Quels conseils peuvent-ils donner aux maîtres d’ouvrage pour bien aborder ces sujets ? Sylvain Rochet, fondateur du bureau d’études Teckicéa et Président de l’association IBC-Ingénierie Bois Construction, qui rassemble 60 bureaux d’études indépendants à compétences construction bois, répond à nos questions.

QUELLES ÉVOLUTIONS LA RE2020 A-T-ELLE ENGENDRÉES DANS LA CONCEPTION DES STRUCTURES BOIS ?

Nos missions en qualité de bureau d’études structure bois se sont élargies avec l’évolution de la règlementation : nous sommes toujours avant tout les garants de la structure du bâtiment, mais aujourd’hui nous intervenons beaucoup plus sur l’enveloppe et l’ensemble du clos couvert isolé. Nous travaillons donc en conception sur l’efficacité en matière d’étanchéité à l’air du bâti, avec une réflexion sur les détails de jonction de la structure et des murs à ossature bois pour toujours obtenir une continuité du plan d’étanchéité à l’air. C’est d’ailleurs l’une des grandes forces de la construction bois : on a sur le marché des entreprises qui s’engagent sur l’étanchéité à l’air du bâtiment car c’est une compétence qui a toujours existé chez les charpentiers, alors que c’est un sujet relativement nouveau pour d’autres matériaux. Notre réflexion en tant que bureau d’études structure s’étend donc à la performance thermique de l’enveloppe, où nous apportons beaucoup de réponses pour limiter les ponts ou les faiblesses thermiques. Ce sont des facteurs sur lesquels nous avons toujours travaillé, mais la RE2020 met un accent particulier sur ces dimensions.

QUEL EST VOTRE RÔLE DANS LES NOUVEAUX CALCULS DES ACV (ANALYSES DE CYCLE DE VIE) ?

C’est nous qui préparons les données sur lesquelles vont s’appuyer les bureaux d’études environnementales pour chiffrer l’impact carbone du projet. Même avant l’arrivée du BIM1, en construction bois nous avons toujours travaillé les structures et les enveloppes en 3D donc nous sommes capables de sortir assez rapidement, dès la phase d’APD (Avant Projet Détaillé), des valeurs relativement précises en termes de volumes utilisés par typologie de matériau. Cela concerne les matériaux bois (bois massif, bois lamellé, CLT2…), les isolants, mais aussi les éléments métalliques comme les assemblages ou les profilés. Dans les bâtiments multiniveaux, le métal peut représenter un volume assez important et nous travaillons en amont sur la structure pour trouver des solutions permettant de limiter au maximum ces éléments afin de réduire l’impact carbone du projet.

LA PHASE D’APD EST DONC L’ÉTAPE CHARNIÈRE POUR L’IMPACT ENVIRONNEMENTAL D’UN PROJET ?

Oui, c’est à cette étape que se décident les choix stratégiques pour l’aspect environnemental. Nous avons déjà des valeurs assez fiables pour un calcul RE2020 donc nous sommes capables de dire si le projet peut être mené à terme en l’état, ou s’il faut revoir la copie pour diminuer les volumes de béton ou de métal afin de respecter le seuil carbone. Tout se décide en phase d’APD, c’est l’étape la plus importante de notre travail.

DANS LE CADRE DE LA RE2020, EXISTE-T-IL DES DIFFÉRENCES NOTABLES SELON LES TYPES DE STRUCTURES BOIS ?

Le bois massif et les produits d’ingénierie bois comme le bois lamellé ou le CLT stockant tous le carbone, la question se pose plutôt sur le plan de l’économie de matière possible en fonction de chaque projet. C’est un sujet sur lequel la RE2020 incite à réfléchir. Par exemple, pour les grandes portées en bois lamellé comme celles des gymnases, on développe de plus en plus des systèmes de poutres treillis. A contrario on pourrait penser spontanément que la structure CLT, que les entreprises se sont bien appropriées grâce à sa simplicité de mise en œuvre, est une solution moins économe mais pour un projet multiniveau par exemple, elle a tout son intérêt. Car elle permet de réduire la hauteur des planchers et, pour les murs des niveaux bas, de supporter les charges là où une ossature bois imposerait une trame très serrée.

OBSERVEZ-VOUS UN CHANGEMENT DES MENTALITÉS DEPUIS LA MISE EN PLACE DE LA RE2020 ?

Il y a une réelle prise de conscience globale qu’on doit décarboner la construction. Nous avons donc affaire à des projets bois de plus en plus importants et nous sommes également très sollicités par les entreprises générales qui veulent s’investir dans une manière de construire plus vertueuse, intégrant le bois et les matériaux biosourcés. Nous devons les accompagner pour que leurs projets bois soient des succès car elles ont un effet d’entrainement sur toute la filière, qui rejaillira sur les savoir-faire locaux de nos charpentiers comme sur le développement des bois français. La dynamique enclenchée par la RE2020 doit se traduire à l’échelle la plus large possible.

QUELS CONSEILS DONNERIEZ-VOUS AUX MAÎTRES D’OUVRAGE POUR BIEN ABORDER LA RE2020?

D’abord de bien choisir son tandem architecte-bureau d’études structure bois, car en construction bois on n’a aucune solution toute faite, et c’est de la synergie entre architecture et ingénierie que naissent les projets bien pensés, avec la bonne structure bois au bon endroit. Ensuite, environ 50% du travail d’un bureau d’études structure bois porte sur la maîtrise d’œuvre et la conception des structures et 50% sur les dossiers d’exécution et PAC (Plans d’Atelier et de Chantier). Ce deuxième volet de notre activité est important quand on lance un projet en lots séparés, car notre expertise permet d’évaluer les retours d’appels d’offres des entreprises et de s’assurer de leurs compétences dans le cadre d’une construction bois, notamment sur les projets très techniques. Le deuxième conseil que je donnerais, c’est de travailler sur des structures qui soient bien tramées, où l’on peut trouver l’équilibre optimal entre les portées libres et le coût matière. Et évidemment de favoriser au maximum les matériaux biosourcés, que ce soit en structure ou en isolation.

EN SAVOIR PLUS SUR LES ATOUTS DU BOIS DANS LE CADRE DE LA RE2020 :
CONSULTER LE DOCUMENT DU CODIFAB « CONSTRUCTION DURABLE ET RE2020 : 7 RAISONS DE CHOISIR LE BOIS »

Photo en haut de page : Centre équestre Les Écuries de la Roche à Vourles (69). Maître d’ouvrage : privé. Maître d’œuvre : f+g architectes. BET structure : Ginko & Associés. Surface : 1 800 m2. Livraison 2021. Crédit photo : f+g architectes.

Illustration structure bois © Raphaël Walther / Anatomies d’Architecture.

1  BIM : Building Information Model.
2  CLT : Cross Laminated Timber ou bois lamellé croisé.